Nous n'activons pas le "pass foncier"

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Le rêve de l’accession à la propriété est un souhait légitime des locataires. Il s’inscrit parfaitement dans le cadre des programmes de gestion patrimoniaux des bailleurs sociaux, qui rendent progressivement à la propriété un certain nombre de produits immobiliers de qualité, au rythme des plans d’amortissement. Cette politique permet de conférer une certaine dynamique au sein du parc et donne des perspectives heureuses à beaucoup de locataires. Elle permet de les accompagner dans un parcours individuel où l’accession à la propriété est un aboutissement sans risque de sur-endettement. C’était sans compter sur l’imagination débordante du Gouvernement avec la maison à 15 euros.

 

Cette dernière implique l’activation communale du « pass foncier », à hauteur de 2.000 à 3.000 euros par maison à 15 euros.. Cette promesse rapide d’une accession sociale à la propriété fragilise la propsective des plans de gestion patrimoniaux des bailleurs sociaux en les privant notamment des locataires les plus solvables. Si un bailleur assume l’effort financier en matière de logement social, celui-ci n’est possible que grâce au maintien de la mixité sociale dans son parc de logements. Le « pass foncier » s’adresse évidemment aux locataires qui auront un minimum de moyens ; du moins ceux qui n’auront pas été attirés par les sirènes commerciales des produits immobiliers de la défiscalisation. La mixité sociale au sein d’un parc repose sur une diversité de locataires dont le revenu est un des critères. On ne peut pas nous demander de détruire et de reconstruire des quartiers avec l’Agence Nationale de Renouvellement  Urbain et nous priver des moyens de garantir la mixité sociale dans notre parc de logements . Nos indicateurs de mixité sont déjà dans le rouge. En 2008, dans le seul cadre de la société d’aménagement immobilier d’économie mixte de la Ville de Bergerac, 81 % des logements attribués étaient à la destination de locataires dont le revenu était inférieur à 60 % du plafond des revenus éligibles. 79 %des locataires du principal bailleur de logements sociaux du département avaient des revenus inférieurs à ce seuil des 60 %.

 

Je ne peux pas m’empêcher de remarquer la déconnexion entre l’acquisition du bâti (15 à 20 ans d’endettement) et celle du foncier.  Le prix à payer pour le rêve de la maison individuelle sera une endettement de près de 40 années. Aux 450 euros par mois pour le coût de la maison au pass foncier, il faudra ajouter le coût des fluides, les frais d’entretien courant de la maison et prévoir les grosses réparations qui interviendront au moment de se porter acquéreur du foncier.  Est-ce le signe à contre courant de « subprime » à la française ?  

Essayons de nous projeter dans la vie de ce jeune ménage qui trouve une commune disposée à activer le « pass foncier ». L’arrivée des premiers enfants aura été positive pour l’école du village. Et puis avec le temps, ces mêmes enfants seront en âge de faire des études. Leurs parents devront trouver des solutions pour financer l’acquisition du terrain sur laquelle la maison à 15 euros a été construite. Le temps écoulé impliquera alors des travaux de restauration. Faudra-t-il choisir entre les études des enfants et le paiement de la maison, pour solde de tout compte avec Madame Boutin ?

 

Il est difficile de considérer la maison à 15 euros comme une avancée sociale. Au pire, elle reste une des attaques contre la mixité dans les parcs immobiliers du logement social. Elle est une illusion de court terme qui dénature l’essence de l’accession sociale à la propriété. Aux côtés de Dominique Rousseau, nous avons fait le choix de ne pas activer le « pass foncier ».

 

 

 

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